Q uelle rentrée ! 2015 sera détonante. Des productions maison vous attendent pour le printemps (Eric Salama en avril, Christian Geffroy Schlittler en mai, Karim Bel Kacem en juin), le meilleur du Caire contemporain déferlera sous peu (Hassan El Geretly, Salam Yousry et Sondos Shabayek en mars), tg STAN revient en février… Dans trois semaines, le rendez-vous de Mémoires blessées, septième du nom, vous fera notamment découvrir du 5 au 7 février un spectacle

hors du commun : Frères ennemis, de Claire Audhuy, créé d'abord dans un camp de réfugiés palestiniens et présenté, dans une nouvelle version en français, dans un mois à Saint-Gervais. Mais avant cela, place à la Grèce, place à la musique, place à la fête : Lena Kitsoploulou, étoile athénienne du théâtre, illuminera la scène de Saint-Gervais pour quatre soirées immanquables. Il y a du rebétiko dans l'air. Sabrez l'ouzo…

par Daniel Vuataz

La cave est petite, avec des tonneaux de tous les côtés. Au fond, un jukebox joue des titres nostalgiques de Markos Vamvakaris et Vassili Tsitsanis. Les bouzoukis et les guitares s'accordent, on se sert à boire, le soir tombe sur les fumeries d'Athènes, du Pirée, de Syros. La chanteuse, une cigarette entre les doigts, prend son micro. C'est Lena Kistopoulou, l'une des artistes phares de la scène grecque actuelle, aussi à l'aise dans les registres théâtraux que dans l'art du rebétiko, ce répertoire traditionnel dans lequel tous les artistes de sa génération puisent. C'est que le rebétiko est né « sous le manteau », dans l'aube noire d'un XXe siècle peuplé de migrants venus chanter leur peine dans les caves du golfe Saronique.
En 2015, la Grèce se trouve plus que jamais au carrefour des migrations. Le rebétiko n'est pas mort, loin de là. Il ne s'est pas muséifié non plus : recoloré, revitalisé, il reste cette âme torturée et superbe de tout un peuple. Le temps de quatre soirées libres, la chanteuse-auteure-metteure en scène fera de Saint-Gervais un foyer de la poésie et de la fraternité. Bienvenue Lena ! Yassou Lena…

S ept hivers déjà qu'à Saint-Gervais converge le cortège des laissés-pour-compte de l'Histoire. Cette année, Philippe Macasdar et son équipe ont imaginé une édition de Mémoires blessées en quatre volets qui, de la Grèce au Moyen-Orient en passant par le Nord de la France et Genève, fera la part belle à l'espoir.
Espoir que procurent l'art et la poésie d'abord, avec la projection du documentaire d'Olivier Zuchuat Comme des lions de pierre à l'entrée de la nuit sur les déportés de Makronissos.
Espoir d'un meilleur dialogue entre les migrants et les institutions de Genève ensuite, grâce au documentaire Mai – Mémoire de l'action immigrée réalisé pour les 40 ans du Centre de Contact Suisses-Immigrés.
Espoir d'une réhabilitation encore, avec une table ronde consacrée au combat juridique des mineurs du Nord de la France, qui dure depuis soixante ans.
Espoir d'une issue dans le conflit israélo-palestinien enfin, autour d'un entretien dans les locaux du CICR avec Pierre Krähenbühl (commissaire général de l'UNRWA) et, surtout, d'une pièce de théâtre unique en son genre : Frères ennemis, de Claire Audhuy, imaginée et montée dans un camp de réfugiés palestiniens en Cisjordanie.

C haque année, au centre de la manifestation Mémoires blessées, il y a une pièce de théâtre. Cet hiver, découvrez le projet d'une jeune metteure en scène alsacienne, Claire Audhuy. Intitulé Frères ennemis, le spectacle tient du miracle. Et de « l'accident de parcours » : Claire se rend en 2012 en Israël pour récolter des témoignages de rescapés de la Shoah pour sa thèse de doctorat ; par la même occasion, elle découvre les territoires palestiniens. Ceci l'amène à documenter, des deux côtés du « mur de la honte », une réalité qui inspire Frères ennemis. Du théâtre de l'extrême, puisque la pièce est montée pour la première fois en 2013 à Aïda, un camp de réfugiés palestiniens en Cisjordanie, avec des résidents et en arabe.
C'est ce spectacle, adapté en français avec des comédiens professionnels, que Claire Audhuy vient présenter aujourd'hui à Saint-Gervais. Pour avoir lieu dans de bonnes conditions, Frères ennemis a encore besoin de votre aide. Ouverte jusqu'au samedi 10 janvier, la campagne de financement participatif en ligne We make it compte sur votre coup de pouce.

- Photos -
Première Loge :  © Lea Binzer, Billet Signé :  © Patrizia Pepe, Fait Maison :  © Alain Germond,
Hors Scène :  © Jérémie Reuiller et Marine Froeliger.