H ani Abbas, comme les dessinateurs de presse et caricaturistes du monde entier, n’a pas lâché son crayon depuis mercredi passé. Le lauréat du Prix Cartooning for peace 2014, dont les dessins sont en ce moment exposés dans les étages de la maison, rend hommage dans L’Hebdo à ses confrères de Charlie Hebdo… On dit que la musique met du baume au cœur. A tester

aujourd’hui et demain lors des deux soirées consacrées au rebétiko, ce « blues du Pirée » (La Tribune de Genève) célébré à Saint-Gervais par Lena Kitsopoulou et ses musiciens. Réservez aussi la soirée du vendredi ! Le versant théâtral de la formidable artiste vous sera présenté par trois comédiennes bilingues, en présence de la principale intéressée.

par Daniel Vuataz

Non, les récentes manifestations et autres élans de solidarité fraternelle, en France et ailleurs, ne résoudront pas tout. N’empêche que dimanche, les scènes de foules m’ont fait un bien fou… Au premier rang du cortège parisien, dans la grande photo de famille des chefs d’Etat, un « événement dans l’événement » a probablement retenu l’attention de la metteure en scène Claire Audhuy : la présence, à quelques mètres l’un de l’autre, marchant dans la même direction, du Président palestinien et du Premier ministre israélien. Les deux dirigeants n’avaient plus figuré sur le même cliché depuis 2010…
Qu’on ne s’y trompe pas : les deux peuples sont plus que jamais dos à dos. Dans trois semaines, c’est très exactement cette situation fratricide dramatique qu’évoquera, par la force du jeu et du théâtre, Claire Audhuy dans Frères ennemis. Netanyahou et Abbas ne seront plus à Paris. Mais à Saint-Gervais, le temps de trois soirées extraordinaires, les voix du conflit israélo-palestinien résonneront sur la même scène.

V endredi soir, l’écriture de Lena Kitsopoulou sera à la fête. Une écriture musclée, bouillante, pleine de génie et de folie… Anna Koti, Anna Lemonaki et Ioanna Mylonaki interpréteront en français et en grec plusieurs textes à succès de la jeune « étoile noire » (c’est Lemonaki qui le dit) de la scène contemporaine.
Au programme ? Notamment des extraits de P.E.T.U.L.A., une création de 2009 reprise à Paris en 2012 par Elisabeth Masev (à écouter ici, sur France Culture). Dans ce monologue débridé, une femme aux penchants joyeusement dépressifs décide de mettre fin à ses jours à l’aide d’une pilule dont l’acronyme est lui-même tout un poème : Pas d’Embrouille, Tasse-toi, Unis-toi à la nuit, Lave tes péchés, Abolis-toi… Or, chez Kitsopoulou, même la mort n’est d’aucun repos. Et les stars nationales du rebétiko qu’on croise dans l’au-delà ne sont plus ce qu’elles étaient : « Non mais imagine, tu as Tsitsànis direct à côté de toi et il te joue même pas un de ses succès, cling clong, que des trucs pas connus ! Et j’avais l’impression qu’il chantait un peu faux… »

« En fait, depuis le début, les paroles du rebétiko sont en phase avec le quotidien, la vie de tous les jours. Au fil des changements sociaux intervenus en Grèce, les textes ont eux aussi évolué. » Voilà comment Lena Kitsopoulou, « auteure, actrice et metteure en scène parmi les plus inventives du théâtre grec » d’après Philippe Macasdar, « icône grecque du théâtre trash » d’après La Tribune de Genève, parle de ce « mauvais genre » musical qu’elle affectionne particulièrement. Sorte de cri de révolte rassembleur né dans les bas-fonds d’Athènes et du Pirée au début des années 1920 suite aux vagues de migration en provenance d’Izmir, « Le rebétiko est une thérapie ! », nous explique Anna Koti, l’une des trois comédiennes grecques qui lira, en langue originale et en français, des œuvres de Lena vendredi soir. Les mots ont changé, mais le rebétiko « parle toujours de la douleur : douleur de l’amour, de la pauvreté, de la politique », précise de son côté Anna Lemonaki, autre comédienne invitée.
Douleur et remède à la fois : venez vous guérir l’âme au son du rébetiko, ce soir et demain à Saint-Gervais !

- Photos -
Première Loge :  © Hani Abbas, Billet Signé :  © Jérémie Reuiller et Marine Froeliger, Fait Maison :  © droits réservés,
Hors Scène :  © droits réservés.