Les trois dernières représentations de C'est une affaire entre le ciel et moi, c'est maintenant ! Dans les jardins d'Elvire, le Dom Juan de Christian Geffroy Schlittler fait vaciller toutes nos certitudes jusqu'à vendredi soir. Trois bonnes raisons de venir le voir ? 1) Pour les décors, signés Duri Bischoff, qui offrent au propos une atmosphère réaliste et délicieusement décadente. 2) Pour les comédiens et comédiennes, qui ne se contentent d'ailleurs pas de jouer, puisque dans L'agence Louis-François Pinagot, tout le monde participe à l'écriture. 3) Pour la réécriture, justement : dans ce Dom Juan-là, les filles portent des robes sixties, le Che vient de mourir, Elvire est une femme libérée et le père de Don Juan s'appelle… Jean-Paul Sartre !

Jusqu'au 18 avril, C'est une affaire entre le ciel et moi, L'agence Louis-François Pinagot, Christian Geffroy Schlittler

Les sessions de tournage continuent pour Judith Depaule, qui complète avec l'aide de Gautier Fournier son panorama du sport féminin suisse (voir la Lettre n° 17). A la clé, Corps de femme : une exposition vidéo et trois spectacles présentés en mai pour aborder sous un angle artistique les questions de genre et de discrimination. Après le ski nautique, la boxe ou le skate, c'était au tour des athlètes du GVA roller derby de se prêter au jeu de la caméra. Un sport qui inverse les tendances… Car dans le roller derby (discipline née dans les années 1930, remise au goût du jour il y a dix ans au Texas), deux packs de joueuses s'affrontent en patins à roulettes sur un ovale surchauffé par les exclamations d'un speaker et les pompons des cheerleaders. Féminin, spectaculaire, impressionnant et terriblement télégénique. Le film Whip It (en français Bliss, 2009) a amplifié ce phénomène de contre-culture en Europe.

« Il existe depuis peu des ligues masculines, principalement pour que ce sport puisse être reconnu par le CIO, mais ce sont des femmes, à 95%, qui skatent dans les salles de roller derby » explique Gautier Fournier, parti en repérage la semaine passée. « Les joueuses cherchent encore à se défaire de l'image un peu punks tatouées qui colle à leur sport, mais elles restent très fières de jouer entre filles… » Il paraît que Viva Vanitas, GI Jojo, Ange'Hellic, Moody S.lapping et les autres filles de l'équipe genevoise débarqueront au vernissage de l'expo en patins à roulette. On a hâte de voir ça !

L a Lettre : Selon vous, quel est l'élément central de Mercedes-Benz W123 ?
Thomas Gonzales : Le meurtre de Juliette, mais aussi le milieu dans lequel il s'est produit. La pièce veut donner à entendre un fait divers qui, une fois porté à la scène, prend toute son ampleur et permet de réfléchir au contexte social et personnel qui a permis son occurrence.

La pièce est faite de monologues. Comment appréhende-t-on un rôle qui passe autant par le texte ?
Il faut travailler sur la situation et l'imaginaire, de manière technique. Trouver des ruptures de rythme, des moments plus introspectifs par exemple, pour que le texte ne soit pas monotone et maintienne l'attention du spectateur, facteur plutôt essentiel pour le genre du polar.

Justement, entre le jeu de Pierre Banderet (le père, voir La Lettre n° 17), le vôtre et celui de Marie Fourquet, on est mis face à des interprétations très différentes…
C'est l'un des intérêts du projet : offrir au public une palette variée de manières de donner le texte. En ce qui me concerne, je crois avoir une présence scénique assez « décontractée », « naturelle » parfois proche du stand-up et c'est ce que Marie Fourquet recherchait pour le personnage de Thibaut.

Saint-Gervais est une maison qui cultive les différences et croise les cultures ; un théâtre où se côtoient les styles et les disciplines. Cette hybridité, l'un des artistes récemment entré en résidence l'incarne à merveille. Karim Bel Kacem possède deux nationalités (française et marocaine), parle quatre langues, a été formé à Paris et à la Manufacture de Lausanne mais aussi à la HEAD de Genève. Et il n'a même pas trente ans. Depuis juillet 2013, il arpente les scènes et festival européens (Berlin, Lausanne, Nice…) avec You will never walk alone, une « micro-histoire du sport » dans laquelle, avec le comédien Thibaut Evrard, il mêle art, sport et politique. Cette « conférence-performance » a d'ailleurs été jouée la semaine passée au Centre culturel suisse de Paris, dans le cadre du Festival Extra Ball 2014. Là aussi, le meilleur de la « transdisciplinarité » était présent : la 2b company et les conférences encyclopédiques de Pierre Mifsud, les mises en scène évolutives de Mathieu Bertholet (le tout nouveau directeur du Théâtre Le Poche) ou encore les improvisation du batteur fou Julian Sartorius…

A Saint-Gervais, Karim Bel Kacem entend aussi créer des ponts. Il vient de mettre en chantier, sous le titre « Sport Spectacle Projet », trois objets « qui discuteront les uns avec les autres tout en constituant trois éléments indépendants. » A savoir : une exposition vidéo faite de documents d'archives sportives, un spectacle intitulé Cheerleaders, et la performance-conférence You will never walk alone. Une triple exploration des zones de frottement entre sport et politique, à découvrir dans la saison 2014-2015.