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Marion Duval et
Florian Leduc font
durer le plaisir de jouer
Daniel Vuataz,
rédacteur à St-Gervais
C'est un exercice périlleux. Faire parler les deux créateurs d'un spectacle dont il ne faut… pas trop parler. Las Vanitas en l'occurrence, à l'affiche jusqu'au 29 mars, qui aiguise mon appétit depuis plusieurs semaines. Au commencement, il y a Marion Duval, promotion C de la Manufacture, et Florian Leduc, diplômé des Beaux-Arts de Nice. Ils se rencontrent en France au début des années 2000, fondent Chris Cadillac ensemble.
Ce jeudi après-midi de mars, ils sont assis contre une fenêtre du 7ème étage de Saint-Gervais, au milieu d'ordinateurs portables et de feuilles volantes. Les représentions ont commencé mais le travail ne s'arrête jamais. « C'est l'envie de jouer qui est à la base de Las Vanitas, l'envie de montrer, de faire croire, de s'amuser, de changer », explique Marion, douce et énigmatique à la fois. « Nous nous infiltrons chaque soir entre les couches de la réalité pour reconstruire notre questionnement », enchaîne Florian. « En tant qu'individus, nous sommes posés les uns à côté des autres. Comment nous réapproprier le moyen d'être ensemble ? » Dans le duo, Marion s'occupe théoriquement de la direction d'acteurs et Florian de la lumière, mais Las Vanitas est vraiment un objet collectif : « On conçoit tout ensemble, on s'implique à tous les niveaux. »
Présenté pour la première fois en 2011, repris trois fois (dont une tournée en France), Las Vanitas est un spectacle mobile. « Si la pièce tourne depuis tout ce temps, c'est parce qu'elle est conçue pour s'adapter à la salle, au public, au contexte », avance Florian, qui consulte Marion du regard. « La seule chose qui n'a pas changé depuis 2011, c'est l'état d'esprit ! »
Discrets quant à leurs références (un « Erving Goffman » cité du bout des lèvres, un « post-moderne » glissé en passant), les deux créateurs s'accordent sur la principale valeur de leur pièce : « Las Vanitas montre de quelle façon les cercles vicieux peuvent se transformer en cercles vertueux. C'est un spectacle libérateur ! »
Du 11 au 19 mars
Las Vanitas
Chris Cadillac – Marion Duval et Florian Leduc
Infos et réservations
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« Et si ça vous arrivait demain ? » Marie Fourquet
à l'interrogatoire
Episode 4/10 de notre série autour de Mercedes-Benz W123, le polar de Marie Fourquet créé la semaine passée à l'Arsenic et présenté le 30 avril à Saint-Gervais.
Le foyer de l'Arsenic, quelques heures avant la troisième représentation. La radio diffuse une musique pop. Marie Fourquet, blouson de cuir, t-shirt galactique, répond à nos questions sans détour.
La Lettre : Pourquoi le polar n'est-il pas très présent au théâtre ?
Marie Fourquet : Le roman, puis le cinéma, ont forgé les codes du genre. Ceux-ci ne sont pas adaptés au théâtre parce qu'ils reposent sur des ambiances complexes, de l'action… J'ai dû privilégier un angle de vue intérieur, et imaginer Mercedes-Benz W123 comme un polar psychologique, statique, qui montre des personnages se débattant avec leur culpabilité et leur désir de transgression. Des personnages qui vivent le fait divers de l'intérieur, parce que ça leur est tombé dessus.
Quelles sont vos modèles, vos inspirations ?
De vrais faits divers, notamment celui dont j'avais tiré Collision en 2011 [son polar radiophonique commandé par la RTSR dans le cadre de la Fureur de lire]. Ensuite, les séries télé, comme la version danoise de The Killing, mais aussi l'esthétique de certains films américains, American Beauty, The Virgin Suicides… La préface de Sanctuaire de Faulkner, aussi. Et puis l'histoire de Roméo et Juliette évidemment.
Vous avez bénéficié d'une bourse d'écriture de Textes en scène pour cette pièce. Ce qui impliquait de trouver un « mentor »…
Et j'avoue qu'au début, je l'ai vraiment fait de mauvaise foi. Je considère l'écriture comme quelque chose de tellement personnel… Et puis la relation avec Christophe Fiat s'est avérée très fructueuse. A tel point que nous avons décidé de poursuivre la collaboration au-delà de l'écriture, et Christophe a apporté son aide jusque sur le plateau.
Du 30 avril au 17 mai
Mercedes-Benz W123
Cie ad-apte - Marie Fourquet
Infos et réservations
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Ce samedi, projection
sans frontière d'un film
de Theo Angelopoulos
Les murs « anti-migrants » récemment érigés à la frontière greco-turque nous rappellent que la Grèce représente, depuis longtemps, l'une des voies d'entrée et de sortie du continent européen. Une porte qui s'ouvre ou se ferme au gré des décennies, des guerres et des circonstances politiques ou économiques.
Dans les années 1990, la frontière nord (avec la Yougoslavie) est sous haute-tension. Des milliers de réfugiés turcs, kurdes et albanais sont parqués, côté grec de la rivière, dans un petit village qu'on surnomme « la salle d'attente ». Sans laisser-passer des autorités, impossible de continuer sa route, dans un sens ou dans l'autre.
Le pas suspendu de la cigogne (1991) raconte cette histoire d'attente au travers de celle d'Alexandre, reporter dépêché sur place pour la télévision. Il tombe là-bas, au milieu des réfugiés, sur un homme politique grec bien connu du public et disparu depuis longtemps (interprété par Marcello Mastroianni). Est-ce vraiment lui ? Alexandre, piqué dans sa curiosité, va jusqu'à retrouver la femme de ce politicien (Jeanne Moreau) pour lui demander de venir au village confronter formellement son époux…
Le pas suspendu de la cigogne, un film beau et graphique sur le silence de l'Histoire et des hommes qui la font, signé par l'un des plus grands cinéastes grecs, Theo Angelopoulos (Palme d'Or à Cannes en 1998, décédé en janvier 2012). Un cinéaste profondément engagé qui disait de son film (en 1992) : « Les frontières, ce sont toutes les limites qui traversent l'homme, dans lesquelles il s'enferme quand il veut appartenir à quelque chose d'où les autres sont exclus. »
Cette projection est une initiative de Chryssoula Bantinou, stagiaire et universitaire grecque en échange Erasmus à Saint-Gervais. Avec le soutien de la Communauté hellénique de Genève.
Samedi 22 mars
Le pas suspendu de la cigogne
Theo Angelopoulos (1991)
1er étage, salle de projection, 19h
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