Les deux premiers volets du triptyque de tg STAN sont clos, et la compagnie belge conclut son introspection des rapports homme/femme sur une adaptation de Scènes de la vie conjugale. Frank Vercruyssen, cofondateur de la compagnie, s'est laissé convaincre par Ruth Vega Fernandez de s'attaquer à cette série télé réalisée par Bergman en 1973. Jusqu'à samedi, les deux comédiens interpréteront Johan et Marianne, conjoints ordinaires pris dans les tourments d'une crise existentielle. Comment faire tenir sur un plateau le contenu d'une série télé de plus de cinq heures ? « Avec Ruth, nous n'avons pas travaillé sur la série mais directement sur la traduction française du texte, en poche. Constater plus tard, en visionnant la version courte montée pour le cinéma, que Bergman avait lui-même coupé sans aucune gêne dans son œuvre nous a beaucoup décomplexé ! », détaille Frank Vercruyssen. Résultat à voir sur scène jusqu'à samedi.

Du 4 au 8 mars
Scènes de la vie conjugale
tg STAN
d'après Ingmar Bergman

Frank Vercruyssen, au naturel dans la cafétéria de Saint-Gervais, ressemble à s'y méprendre à Frank Vercruyssen sur scène. Mêmes vêtements casual, même parole hésitante, même regard franc sous des sourcils mobiles. Malgré mes efforts pour ne pas lui poser les éternelles questions (celle sur le nom de sa compagnie, celle sur leur mode de fonctionnement…), je constate qu'il est devenu impossible, face à tg STAN, de se montrer vraiment original. Frank sourit : « C'est vrai, nous répondons aux mêmes questions depuis quinze ans. Mais honnêtement, c'est un problème de riche, non ? »

La vraie richesse de tg STAN, aujourd'hui en Europe, c'est sa liberté. Celle de présenter les pièces qu'ils veulent, où bon leur semble (ils sont à l'affiche d'une trentaine de théâtres en 2014 !) ; celle de diversifier les collaborations également : « On nous sollicite beaucoup, souvent de jeunes comédiens. Mais parfois, le coup de foudre vient de nous, comme pour Georgia Scalliet que j'ai vue à Paris. Elle m'a épaté, et c'est moi qui lui ai fait la cour… » Ceux qui ont vu Frank et Georgia dans Après la répétition comprendront que la complicité des comédiens, chez tg STAN, n'est jamais feinte.

Le frisson du grand saut, Frank le recherche assidûment : « J'aime me mettre en danger, changer d'interlocutrice. Découvrir ma partenaire, réellement, le soir de la Première. » Une prise de risque dans laquelle le public joue un rôle central : « Chaque soir, nous essayons de retrouver une énergie et une tension, nous ne nous endormons jamais sur un programme qui roule tout seul. Nous jouons pour le public présent, et pas celui d'hier ou de demain. »

« Son portable est déchargé. Elle crie, folle de rage. Elle redémarre. Allume les phares. Tient de toutes ses forces le volant. Se concentre sur la route. S'applique sur les pédales. Serre le levier de vitesse. Pleure. Par secousses. Tremble. Elle va réussir à aller à la fête chez Léa Steiner. Elle doit réussir.

Elle se concentre sur les lignes blanches, sur le faisceau des phares. Elle va y arriver. Mais le levier reste dans le vide. Elle l'agite, le tourne. Dans le vide. Elle panique. Perd le contrôle de sa tête, de ses mains, de ses pieds, de la route. Elle freine, ralentit, freine, s'arrête doucement au bord. La route qui longe le ruisseau. Près de l'étang. Après le croisement. Pas très loin d'ici. Pleure. Elle coupe le moteur, éteint les phares. Elle pleure. Son téléphone ne s'allume plus. Elle n'y arrive pas.

Elle n'arrivera pas à rouler jusqu'à cette fête. Elle ne sait pas conduire. Elle ne peut pas y arriver. Elle ne peut pas avancer. Elle n'arrivera pas jusqu'à Martin. Elle n'arrive pas à rejoindre Martin. A rouler vers Martin. Son téléphone. Elle est bloquée, là. Au bord de cette route. Dans la nuit. »

Chaque semaine jusqu'au mercredi 30 avril (date de la Première de Mercedes-Benz W123 à Saint-Gervais), nous vous faisons découvrir une pièce du puzzle théâtral de Marie Fourquet. Le pitch de ce polar en préparation ? Juliette, une jeune fille de 16 ans, est retrouvée morte dans une voiture…

Il y a un spectacle, monté pour la première fois en 2011, trois fois repris depuis, qui alimente les rumeurs les plus folles dans les couloirs de Saint-Gervais. Personne ne sait exactement de quoi il en retourne (et ceux qui le savent se contentent de sourire en hochant la tête d'un air entendu). Résumons la situation. Le titre du spectacle ? Las Vanitas. Polysémique et dépaysant, hors-la-loi et collectif. Son auteur ? Chris Cadillac. Mais Chris Cadillac, on le découvre assez facilement, n'est pas un être de chair. Il d'agit d'un avatar théâtral camouflant deux auteurs, Marion Duval et Florian Leduc. Une compagnie ? Pas tout à fait. Une marque de fabrique, plutôt : « Chris Cadillac crée des pièces qui orchestrent un trouble entre réalité et fiction ». C'est le site web qui le dit.

Le site web de Chris Cadillac, justement, jette le trouble autant qu'il excite la curiosité : si vous pensez y obtenir plus d'informations sur Las Vanitas, c'est peine perdue. Rien ne filtre qui n'a pas été dit dans cette « Lettre » (là et là). Au fil des différentes pages, des foules compactes, des publics effarés et autres audiences attentives vous dévisagent, comme dans un miroir depuis la scène par les comédiens. De quoi éclairer le slogan du spectacle : « Dans quelle mesure sommes-nous responsables de ce dont nous sommes spectateurs ? » Une réflexion, un reflet, une vis d'Archimède…

Le visionnement en boucle de cette petite merveille qu'est le teaser web du spectacle ne fait que renforcer le suspens. Des corps dansent en mouvements accélérés, des rires fusent, des allumettes propagent un feu de joie et la bande-son superpose jingles et cris de stupeur du public. Las Vanitas ? Pour savoir ce qui s'y passe vraiment, une seule solution…

Du 11 au 29 mars
Las Vanitas
Chris Cadillac -
Marion Duval et Florian Leduc

Infos et réservations