P as le temps de souffler à Saint-Gervais ! Hier soir, alors que Le Caire prenait congé de Genève, la Première du Fantasme de l'échec de Véronique Bettencourt se déroulait au 7e étage. Sans transition, voilà donc un spectacle qu'il ne faut pas manquer. Sa forme interpelle : « joyeux bazar multimedia povera » annonce la feuille de salle, « divertissement prosopographique » ajoute le site de la compagnie, « road-movie d'investigation » renchérissent les critiques. Et le fond s'annonce non moins passionnant : « Il s'agit d'une réflexion poétique et excentrique sur la question, la notion, de

l'échec au sein du milieu artistique » chante Véronique Bettencourt dans son teaser. Oui, parce que, détail non négligeable, on chante beaucoup dans Le fantasme de l'échec. On jongle avec les vidéos et les écrans, on gratte des guitares, on tend des micros-perches, c'est à la fois très doux. Et parfaitement tranchant.

par Daniel Vuataz

«L'échec, c'est la réussite du con. » Quoi ?! Qui a dit ça ? Il suffit d'entrer les mots-clés « échec » ou « réussite » dans n'importe quel moteur de recherche de citations en ligne pour trouver trente-huit avis hautement autorisés sur la question. Mais on peut aussi en parler autour de soi, car la thématique soulevée par Véronique Bettencourt dans Le fantasme de l'échec concerne tout le monde.
A l'affiche pendant deux semaines, le spectacle aborde le sujet par la bande, avec humour et poésie. Comme les artistes rencontrés et filmés par Véronique Bettencourt sont avant tout Français, on a voulu prolonger le débat en Suisse romande en demandant aux artistes de la région de donner leur point de vue. En outre, les deux mercredis de représentation (11 et 18 mars), le spectacle sera suivi d'une discussion avec deux artistes invités qui dialogueront autour de cette question. Mathieu Bertholet et la comédienne Caroline Gasser seront présents le 11 mars. En guise d'échauffement, nous avons soumis au nouveau directeur du Théâtre Le Poche quatre idées reçues sur la notion d'échec et de réussite en milieu artistique…

Lire les réponses de Mathieu Bertholet

V éronique Bettencourt, la conceptrice du Fantasme de l'échec, s'est aussi prêtée au jeu de l'échec et de la réussite. Que lui inspirent ces quatre idées reçues ?

1 « Un artiste qui réussit, c'est un artiste qui vit de son art. »
Véronique Bettencourt : « Réussir. J'ai horreur de ce mot, je le bannis de mon vocabulaire » dit Louise Saillard-Treppoz dans une vidéo du Fantasme de l'échec.

2 « Plus une œuvre plaît au grand public, moins elle est artistiquement élaborée. »
Je ne sais pas. Un professeur au Collège de France, spécialiste de l'art et du travail, dirait que « plus un public est large, moins sa compétence artistique est élevée ».

3 « L'échec en milieu artistique n'a rien à voir avec le manque de talent. »
Une différence minime de talent peut produire une différence spectaculaire de succès !

4 « La célébrité, c'est une notion commerciale. La gloire, c'est ce qui compte vraiment. »
Solange [le personnage-enquêteur incarné par Véronique Bettencourt dans la pièce] se moque de la gloire, peut lui importe de ne laisser aucune œuvre derrière elle après sa mort, elle ne désire qu'éprouver les véritables sensations.

« Véronique Bettencourt a pris son bâton de pèlerin, enfin presque, puisqu'il s'agit d'un micro-perche géant, pour aller recueillir les propos d'artistes, en réalité, une savoureuse série de loosers qu'elle rencontre au cours d'une déambulation qui la mène de Lyon à Dijon, en passant par sa Bourgogne natale avec une incursion parisienne. » (Théâtre du Blog)
« Assurément, Le fantasme de l'échec affiche de belles qualités. Les textes, majoritairement empruntés à Pierre-Michel Menger, éminent titulaire d'une chaire de sociologie au Collège de France et spécialiste du monde des arts et de la création, en témoignent » (Les Trois Coups).
« La scénographie "bouts d'ficelle" du spectacle, totalement assumée, résulte d'un défaut de moyens économiques, pas artistiques : sous des abords bancals, tout est d'une grande maîtrise » (Stimento).
« L'ensemble forme un objet théâtral singulier, délicat et subtil, porté par la personnalité attachante de son auteure » (Lyon Capitale).
« Plus intéressée par le questionnement auquel elle nous invite que par les réponses à y apporter, Véronique Bettencourt propose un petit bijou intellectuel, vrai mais humble, dont la force réside d'abord dans l'intelligence réelle du sujet et la sincérité magnifique de son traitement » (L'Envolée culturelle).

- Photos -
Première Loge :  © Louise Kelh, Billet Signé, Fait Maison :  © droits réservés, Hors Scène :  © Solange Dulac.