Finir la saison par une heure et demie d'humour en compagnie de deux grandes comédiennes éminemment populaires, c'était le souhait de Saint-Gervais. Laverie Paradis, le spectacle irrévérencieux de Claude-Inga Barbey et Doris Ittig mis en scène par Séverine Bujard, a débuté hier devant une salle comble. La pièce parle (un peu) de crise de la cinquantaine. Et (beaucoup) de foi, « ou d'imagination, peu importe le mot », comme le précisait lundi soir une Claude-Inga à cœur ouvert au micro de Christine Gonzales (Vertigo). Laverie Paradis, comme toujours avec Claude-Inga Barbey, prend racine dans le quotidien et le vécu : « Le plus difficile, c'est le regard des gens quand on leur dit qu'on a chopé la foi. Ils se disent ouais, bien sûr, elle s'est fait larguer, 53 ans, ménopause… Je dois donc me regarder avec autodérision » (La Tribune de Genève). Et dans son cas, on peut vous dire que cette introspection fait des étincelles !

Jusqu'au 14 juin, Laverie Paradis
Cie Sans Scrupules, Claude-Inga Barbey et Doris Ittig

«Je déteste la routine, j'ai toujours peur de m'ennuyer comme un rat mort. C'est pour ça que je fais ce métier ! » Elle en a des dizaines de phrases comme celle-là, Doris Ittig, la partenaire de Claude-Inga Barbey dans Laverie Paradis. Son naturel et sa gentillesse sautent aux yeux ; son délicieux sens du coq-à-l'âne aussi. Installés dans la cafétéria du 4^ème, nous parlons tour à tour de la pièce, de l'existence des anges gardiens, du curé de la Chaux-de-Fonds, des années Bergamote et de… ses culottes de jeu fétiches !

Pour Doris Ittig, rompue depuis dix ans aux improvisations et aux sketches humoristiques de Claude-Inga, Laverie Paradis a une saveur particulière : « C'est un retour à l'écriture et à la mise en scène, un véritable travail de précision. Le défi, ça a été de faire en sorte que ça ne se voit pas, que ça ne semble pas trop écrit, justement. » Le rôle de Bernadette, une quinqua au bout du rouleau, a été taillé pour elle par Claude-Inga, qui s'est gardé celui de l'ange gardien venu sur Terre pour convertir la pauvre fille. Par tous les moyens. « On s'en prend à tout le monde dans Laverie Paradis : aux pratiquants, aux dogmes, aux spirituels new age, aux athées… Mais le texte comporte suffisamment de niveaux pour que ça ne soit pas gratuit. A Fribourg et en Valais, chez les cathos, ils ont adoré ! »

Divertissante, drôle, Laverie Paradis est aussi une pièce qui fait réfléchir : « Le grand comédien Roland Sassi, décédé l'été dernier, a dit un jour à Claude-Inga : "Si tu veux aider quelqu'un, lui filer cent balles ne sert à rien. Il vaut mieux le prendre dans tes bras." La foi, dans Laverie Paradis, c'est exactement ça : le lien qui relie les gens… »

– Et qu'y fait-on, alors, dans cette ruche ? demande le passant, mi-surpris, mi-circonspect, stoppé net au pied des sept étages de Saint-Gervais par une odeur de fleurs et de cire d'abeilles.

– Oh, répondent les résidents en chœur, c'est très simple. On y vient, on y occupe des espaces de travail, on y crée, on y écrit des textes, on y joue des pièces, on y boit des cafés, on y mange au soleil sur la terrasse du 7^ème, on y cause, on y prend l'ascenseur, on y donne des ateliers et des conférences, on y monte des expos, on y rencontre le public, on y…

– Et vous êtes combien à faire tout cela en même temps ? renchérit le passant, de plus en plus intrigué.

– Une dizaine chaque saison ! Des auteurs, des comédiens, des metteurs en scène, des musiciens, des poètes, des…

– … Il n'y aurait pas moyen de voir tout cela de l'intérieur ? coupe le passant, agenda et stylo bille à la main.

– Passez lundi prochain (2 juin) à 19h, les portes de la ruche seront ouvertes ! lancent les résidents en brandissant un flyer. Et ils s'envolent dans toutes les directions.

Lundi 2 juin, 19h
Ici c'est la ruche
K. Bel Kacem, L. Djerbi,
J. Gilbert, A. Patouillard,
J. Richer, E. Salama,
P. Soltermann et C. Weiter

Infos et réservations

Le jury du concours Textes-en-Scènes (Denis Maillefer, François Berreur et Caroline Marcilhac) vient de désigner les lauréats de l'édition 2014. Ils sont jeunes, doués, et ils bénéficieront dès septembre d'un accompagnement de luxe pour leur prochain projet d'écriture : une bourse, des ateliers avec des auteurs européens et une résidence dans l'un des théâtres organisateurs, l'Arsenic et Saint-Gervais. Portraits express.

Douna Loup (1982) : la Genevoise établie en France s'est déjà fait une place au soleil avec ses deux romans publiés au Mercure de France. Deux pièces de théâtre à son actif : Et après le soleil se lève (Prix SSA 2010) et Ventrosoleil (présenté en avril au Théâtre Am Stram Gram).

Camille Rebetez (1977) : le Jurassien prolifique, cofondateur du Théâtre Extrapol, auteur d'une douzaine de textes pour la scène dont Little Boy en trois temps (Prix SSA 2011), est aussi le scénariste de la bande-dessinée Les Indociles.

Julien Mages (1977) : l'auteur-comédien-metteur en scène lausannois, issu de la première volée de La Manufacture, a monté une dizaine de pièces avec son Collectif Division, dont Ballade en orage à Vidy. Sa Valse au cyprès a été vue à l'Arsenic en décembre.

Stéphanie Blanchoud (1981) : la jeune artiste belgo-suisse s'est fait connaître du public pour ses deux albums de chanson française. Côté théâtre, elle est l'auteure, à Bruxelles, de quatre pièces et de plusieurs adaptations pour la scène.

Quatre talents à suivre de très près dès cet automne !