Changement de décor à Saint-Gervais. A peine tg STAN reparti, la grande salle Marieluise Fleisser a été rhabillée par Duri Bischoff, le nouveau scénographe de Christian Geffroy Schlittler. Fougères et branchages, murets et mobilier en ferraille composent le plateau en jardin décadent. Les répétitions de C'est une affaire entre le ciel et moi s'y sont succédé pendant trois semaines. Et depuis hier, les quatorze représentations de ce Dom Juan librement adapté ont commencé. La dernière fois que Christian Geffroy Schlittler est venu à Saint-Gervais, c'était en juin 2012 pour la lecture de Ne faites plus ce bruit de cœur brisé. Presque deux ans plus tard, l'auteur/metteur en scène revient dans un exercice libre, jouissif et forcément transgressif, de dialogue avec un classique absolu du théâtre. Vous n'avez plus la pièce de Molière en tête ? Aucun problème, il faut venir découvrir celle de Christian Geffroy Schlittler, dans les jardins éphémères de Saint-Gervais !

Parmi les neuf auteurs et metteurs en scène actuellement en résidence à Saint-Gervais, Latifa Djerbi occupe une place atypique. Parce qu'elle n'a pas fait d'école de théâtre (elle est mathématicienne de formation), parce qu'elle cultive un éclectisme assumé (vous pouvez aussi bien la croiser dans un atelier d'écriture pour ados, une soirée slam ou un lever de rideau en solo), et parce qu'elle adore parler d'elle. « Mon travail, même si je tends à m'approcher de la fable, est avant tout autofictif. La plupart des gens se cachent derrière des tupperware, s'infligent des étiquettes. Moi, je m'en fiche. Je veux être avant de faire. » C'est au contact de Jacques Livchine, le fondateur du Théâtre de l'Unité à Audincourt, qu'elle comprend que « l'intime est subversif » ; de Livchine, « l'accoucheur », elle retient des phrases qui lui servent de viatique. « L'art est une arme de construction massive », glisse-t-elle dans un sourire épanoui.

Côté jeu, Latifa Djerbi a une trentaine de pièces à son actif, dont plusieurs collaborations avec d'autres artistes de Saint-Gervais (Eric Salama, Valentine Sergo). Côté écriture, mentionnons les récents Tripes story (joué dans les « Midi-Théâtre » ces dernières semaines et repris en juillet au Festival de la Cité) et L'improbable est possible… J'en suis la preuve vivante (reprogrammé pour l'automne à Saint-Gervais). Avant cela, elle sera en mai à la Cour des contes dans Ripailles, une forme brève en solo. Un point commun entre ces spectacles ? « La poésie. Nous vivons dans un monde trop horizontal. Je suis demandeuse de ces instants de transcendance. » Partir de soi pour aller vers le haut. Une forme de décloisonnement.

« Il y a quelque chose sous le siège passager. Un iPhone. Intéressant. Il répond au numéro de Juliette. Je crois toujours que c'est elle qui conduisait. C'est bien ça, non ? Une centaine de sms larmoyants, des appels en absence de Martin. Ça ne nous amène à rien. Des photos, des selfies, Martin de Segonzague par ci, de Segonzague par là. Tiens une photo de Martin en train de filmer. De la filmer ?

Dis-moi ce que tu sais ma belle ?
Rien n'est endommagé. Pas d'effraction. Juliette n'a pas verrouillé. Rien n'est cassé. Juliette les connaissait, tu crois ? La voiture. Juliette a reconnu la voiture. Ou quelqu'un. Quelqu'un qu'elle connaissait ?

Dis-moi ce que tu sais ma belle ?
Rien de plus. C'est contrariant. »

Chaque semaine jusqu'au mercredi 30 avril (date de la Première de Mercedes-Benz W123 à Saint-Gervais), nous vous faisons découvrir une pièce du puzzle théâtral de Marie Fourquet. Le pitch de ce polar ? Juliette, une jeune fille de 16 ans, est retrouvée morte dans une voiture…

Vous saviez que les sous-sols de Saint-Gervais abritaient un jardin luxuriant ? Dom Juan, Sganarelle, Elvire et les autres y jouent tous les soirs dans C'est une affaire entre le ciel et moi, la dernière création de Christian Geffroy Schlittler, présentée jusqu'au 18 avril.

Il s'agit d'un jardin – celui d'Elvire – envahi d'herbes folles, comme à l'abandon. Plus vrai que nature. Et pourtant résolument faux : les plantes sont en plastique, les murets en carton-pâte. Réaliste et étrange à la fois. « C'est l'effet recherché », confirme Adrien Barazzone, assistant à la mise en scène sur cette pièce : « Toute l'intrigue tient dans cet unique jardin. Il fallait qu'il puisse servir à toutes les situations, que toutes les facettes de ce nouveau Dom Juan puissent s'y exprimer. »

C'est à l'art de Duri Bischoff, l'un des scénographes de Christoph Marthaler, que l'équipe doit ce décor délibérément réaliste. « Christian Geffroy Schlittler, recherchait cette touche concrète, il ne voulait pas se contenter d'un plateau nu et de variations de lumière pour signifier le visible, l'invisible… » détaille Adrien Barazzone avec un brin de mystère. « Venant d'un auteur très porté sur le théâtre contemporain, utiliser un tel décor est évidemment une sorte de pied de nez ! »

Il s'agissait, pour Duri Bischoff, de sa première collaboration hors de son aire habituelle de travail (Bâle, Zurich ou l'Allemagne). Les jardins sont arrivés très tôt dans le processus de création, et il a fallu, sur le plateau, composer avec eux depuis le tout début. « Evidemment, les comédiens étaient d'abord assez perturbés. Et puis à présent, on ne pourrait plus imaginer se passer de ces jardins ! »