Prenez une règle et un plan de Genève. Sur le plan, tracez une ligne droite avec un stylo rouge. Maintenant, essayez de marcher sur votre ligne, à pied, au milieu de la ville… Est-ce possible ? Qui rencontre-t-on sur un tel parcours ? Quels bâtiments, quelles histoires ? La Compagnie Kokodyniack est en train de réaliser l’aventure. Avec pour mission de revenir dans le théâtre, du 9 au 20 mai 2017 prochain, pour un spectacle qui reflète cette expérience de terrain. Car La Ligne, malgré son mode de création unique, est bien une pièce de théâtre. Sauf que le texte naîtra des croisements, fortuits ou non, d’une Ligne avec les habitants d’une ville… Pour suivre au plus près les avancées de nos funambules urbains, La Lettre vous propose jusqu’en décembre trois éditions spéciales. Rendez-vous aussi sur le blog de la Compagnie, ainsi que leur page Facebook pour un suivi sur toute la Ligne !

À vingt centimètres près : le tracé exact de la Ligne

« Haut du Salève. Nous prenons le téléphérique et rejoignons notre point de départ sur la ligne non loin du village de La Croisette. » C’est sur ces mots que débute le journal de bord de La Ligne, en juillet dernier, alors que la Compagnie Kokodyniack s’aventure pour la première fois à pied sur ce grand fil qu’ils ont tendu à travers Genève quelques mois plus tôt. Au fait, comment ont-ils choisi ce tracé-là, et pas un autre ? Les lois un peu magiques de la « coïncidence » y sont peut-être pour quelque chose. En essayant de prolonger la grande diagonale de Plainpalais, ils s’aperçoivent que la ligne qui en résulte passe (au sud) par le sommet du Salève et prend (au nord) la tangente exacte du LHC (le Grand collisionneur de hardons du CERN). Autre coup du destin, la Ligne coupe de nombreux lieux symboliques de Genève (les Grottes, les Forces motrices, l’aéroport, le quartier des ambassades et des Nations unies) mais aussi son lot de quartiers résidentiels, de forêts, de skateparks, de parcs à bisons… Un « carottage représentatif », comme le diraient les géologues. Pour suivre le tracé de la Ligne le plus fidèlement possible, la Compagnie a mis au point une application. Allez faire un tour du côté de la Ligne !

Jean-Baptiste Roybon, de la rue lyonnaise à la rue genevoise

Qui sont les Kokodyniack derrière La Ligne ? Aujourd’hui, présentation de celui qui a crée, en 2012, la compagnie qui porte… le nom de son arrière-grand-mère. Jean-Baptiste Roybon a un parcours hors du commun : « Avant d’entrer à la Manufacture et de décider de devenir comédien, j’ai exercé le métier d’éducateur spécialisé à Lyon. Aller à la rencontre des gens dans les quartiers, écouter leurs histoires. Seulement, il me manquait le public avec lequel j’aurais pu débattre et par là appréhender et livrer les paroles de ces gens comme des histoires aussi singulières qu’universelles et donc nécessaires à la collectivité. J’ai finalement changé de “scène”. » La méthode qu’il affectionne, et qu’il situe dans la filiation des travaux de Guy Alloucherie, est basée sur un rapport très fort à l’oralité. Concrètement, les deux premiers spectacles de la Compagnie Kokodyniack ont permis au public de revivre, grâce aux interviews d’anciens ouvriers rejouées au mot près sur scène, l’histoire de deux lieux théâtraux au passé industriel, respectivement la Manufacture de Lausanne (ancienne usine de pierres précieuses) en 2014 et les Halles de Sierre en 2015. Le prochain défi de Jean-Baptiste Roybon ? Raconter Genève. Rien que ça.

Matérialiser la Ligne : un après-midi à Carouge

Jeudi, il pleut sur Carouge. Je retrouve Jean-Baptiste, Basile et Alban à midi devant le hangar industriel de Barro, entreprise de transformation du bois. Les ouvriers sont en pause. Ça sent bon la sève, la sciure fraîche, l’épicéa. « Ils sont ici depuis 140 ans, m’explique Jean-Baptiste depuis une échelle de quatre mètres. On a obtenu une interview avec l’un des patrons tout à l’heure. » Et, cerise sur le gâteau, cet après-midi la Ligne va miraculeusement se matérialiser sous nos yeux, le temps d’une photographie.
« Sur notre carte, on a vu que le tracé passait dans le bâtiment. On a demandé l’autorisation de tendre notre Ligne. » À grands renforts de serre-joints, le ruban de satin de 50 mètres est hissé juste sous les grandes lucarnes du plafond. Basile, GoPro vissée au casque, filme l’opération. Perché sur un empilement de palettes, Alban effectue les réglages pour la photo finale. Ces installations, ils en ont prévues une vingtaine tout au long de la Ligne. « On y va au culot. La clé, c’est de savoir susciter sa chance. Arriver avec notre ligne rouge, c’est aussi un très bon moyen pour susciter les interviews », raconte Jean-Baptiste. Et comme le résultat des photos est aussi beau que stupéfiant (on se croirait dans un Google Street View poétique et réel !), l’équipe prévoit déjà une exposition. À découvrir en parallèle du spectacle.

Le site de la Compagnie Kokodyniack
La Ligne sur Facebook
Le tracé de la Ligne sur Tour Builder
La Ligne sur le site de Saint-Gervais