Il y a Hamlet, Roméo et Juliette, Le Roi Lear, Antoine et Cléopâtre... Dès ce soir, c’est un autre joyau du répertoire shakespearien, La tragique histoire d’Othello, le Maure de Venise, qui occupe l’affiche de Saint-Gervais pour les deux semaines à venir. Othello a de quoi nous parler, ses thèmes sont les nôtres : le pouvoir de contagion de la peur et de la défiance sur les esprits les plus équilibrés. Le général Othello, homme intelligent et respecté s’il en est, sombre sous le coup des mensonges et des manipulations grossières dans une folie meurtrière. Est-ce parce que

la mise en scène est signée Eric Salama qu’on se réjouit tant de (re)découvrir les subtilités de ce texte d'une richesse inouïe ? Est-ce parce que la distribution promet de grands moments de théâtre ? En route, vous avez rendez-vous avec Shakespeare !

Ne manquez pas l'after ! A l'issue de la représentation du samedi 18 avril, une rencontre avec l'équipe d'Othello aura lieu au café la Réplique.

par Daniel Vuataz

Q uelle est la question que nous pose Othello ? Celle des ravages du discours de la peur d’abord. Qui est coupable dans la pièce ? Iago, parce qu’il sème les graines de la jalousie ? Othello, parce qu’il se laisse dominer par des pulsions irrationnelles ? Les hommes, parce qu'en n'écoutant pas leurs femmes, ils les emportent dans leur chute ? Parfois considérée comme un drame domestique teinté d’orientalisme, la tragédie de Shakespeare cristallise en fait des thèmes d'une actualité saisissante. On y découvre que la question de la femme y est centrale ; les psychologues y trouvent leur « syndrome d’Othello » désignant une jalousie pathologique (on ne détruit pas ce qu’on aime, les autres nous poussent à le faire) ; au moment de l’accession d’Obama à la présidence américaine, une reprise de la pièce avait provoqué de nombreux débats, preuve que la question de la couleur de peau d’Othello n’est pas anecdotique. C’est l’histoire d’un Noir qui accède au plus haut niveau du pouvoir…
Peurs irrationnelles, place de la femme, jalousie pathologique, rôle de l’étranger dans la cité : à Genève en 2015, que va nous dire Othello ?

L a Lettre : Desdémone est un pur produit de la tragédie shakespearienne, jusque dans son propre nom (littéralement « malheureuse, infortunée »). Innocente, elle se fait assassiner par son époux, Othello, qui fabule son infidélité. Comment compose-t-on un tel rôle ?
Piera Bellato : Desdémone est peut-être irréprochable mais pas inhumaine. Dire que nous avons sali Desdémone serait exagéré, mais j’ai tenté de la rapprocher de moi. La rendre possible, imaginable. J’aimerais qu’on puisse s'identifier à elle. Sa responsabilité dans le couple, comme souvent en situation de crise, c’est de n’avoir pas su poser les bonnes questions au bon moment.

La place que Shakespeare accorde aux femmes fait débat. De quelle manière la mise en scène d’Eric Salama aborde-t-elle le sujet ?
Nous avons eu de nombreuses discussions là autour et avons choisi un Shakespeare résolument moderne, qui prendrait le parti des femmes. Concrètement, sur scène, ce sont des femmes [Piera Bellato, Marie Probst et Elodie Weber] qui incarnent tous les rôles masculins autres que Iago et Othello.

Donnez-nous deux bonnes raisons de venir voir Othello à Saint-Gervais.
Premièrement, Othello nous fait traverser les siècles. Par son actualité, malgré la distance, il permet de poser des questions nécessaires à chaque époque. Deuxièmement, le texte est merveilleusement bien écrit, il permet aux comédien-ne-s de s’en amuser et c’est vraiment plaisant à voir.

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réalisée par Alain Guerry la semaine passée.

Celine Bolomey

C ette semaine, voici par où sont passées mes lectures, et pour commencer à parler d’amour rien ne vaut une déclaration. George Sand et Alfred de Musset sont des amis, ils se voient pratiquement tous les jours, ils dînent sans cesse ensemble. Enfin, un beau jour de juillet 1833 (plus de vingt ans avant qu’il n’écrive L’âne et le ruisseau), Alfred ose avouer sa flamme.

Mon cher George, j’ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous écris sottement au lieu de vous l’avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J’en serai désolé, ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu’ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous. Je le suis depuis le premier jour où j’ai été chez vous. J’ai cru que je m’en guérirais tout simplement en vous voyant à titre d’ami. Il y a beaucoup de choses dans votre caractère qui pouvaient m’en guérir ; j’ai tâché de me le persuader tant que j’ai pu ; mais je paye trop cher les moments que je passe avec vous. J’aime mieux vous le dire et j’ai bien fait, parce que je souffrirai bien moins pour m’en guérir à présent si vous me fermez votre porte. (…)

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- Photos -
Première Loge , Billet Signé :  © Isabelle Meister, Fait Maison, Hors Scène :  © droits réservés.