E ntrez comme vous voudrez ! Il y en aura pour tous les âges et tous les goûts : de jeudi à dimanche, à Genève, c'est la fête du théâtre. Saint-Gervais est l'un des dix-huit lieux à ouvrir ses portes au grand public le temps d'un week-end. Réservez tout particulièrement votre samedi, puisque Philippe Macasdar et son équipe vous

convient sur le parvis du Temple Saint-Gervais dès 15h pour un tour du théâtre en 80 minutes qui s'annonce riche en surprises. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans les méandres des neuf étages de la maison… La visite se terminera au café La Réplic, nouveau stamm de Saint-Gervais, autour d'une dégustation de plats boliviens en compagnie des sept comédiens boliviens qui joueront le soir même dans Les égarés du Chaco. A samedi !

par Daniel Vuataz

Lundi soir, veille de la Première des égarés du Chaco. Une petite foule s'active sur le plateau de Saint-Gervais pour donner corps, à partir de terre battue, de troncs d'arbres tordus et de treillis de camouflage, au théâtre de l'intrigue : le Chaco, immensité hostile et aride qui a vu s'affronter Boliviens et Paraguayens entre 1932 et 1935. « Il s'agit de la toute première guerre moderne pour des ressources naturelles », m'explique Jean-Paul Wenzel, capté un instant dans les loges. « C'est ce conflit qui a modelé la Bolivie moderne puisque toutes les populations, des descendants d'Indiens aux émigrés espagnols, se sont côtoyés au combat. » Cette solidarité se retrouve sur scène : plusieurs des comédiens sont Indiens. « Tout le monde en Bolivie, aujourd'hui encore, garde un lien avec cette guerre terrible. »
La pièce, montée pour la première fois à Santa Cruz après plusieurs années d'allers-retours, a rassemblé 600 personnes dans une salle de 500 places : « Des femmes avec leurs enfants, des officiels aux premiers rangs, et même des gens qui n'osaient pas entrer parce qu'ils n'avaient pas de souliers ! », se remémore Wenzel. Mais qu'on se rassure, tout le monde entre aux spectacles de ce grand partageur d'expériences : « Un enfant de dix ans ou une personne formée et habituée au théâtre auront chez moi le même plaisir ! »

R etenez bien ces noms ! Javier Amblo Hurtado, Susy Arduz Rojas, Mariana Berenice Bredow Vargas, Andrés Leonardo Escobar Juàrez, Lorenzo Ariel Munoz, Antonio Peredo Gonzales, René Marcelo Sosa Santos. Ce sont les sept comédiens des égarés du Chaco, ils ont entre 24 et 39 ans et ils sont issus de presque toutes les volées de l'École Nationale de Théâtre de Bolivie.
Il suffit de jeter un œil à la récente critique parisienne pour prendre la mesure de leur performance. Un mois de spectacle dans l'antre de la Cartoucherie à l'invitation du Théâtre du Soleil a suffi à la bande pour mettre tout le monde d'accord : voilà du théâtre comme on n'en voit que trop rarement en Europe, voilà une troupe qui communique comme aucune autre son plaisir du jeu. « C'est du théâtre de chair, du théâtre où l'on s'amuse, où l'on passe de l'action au récit en un clin d'œil, puis instantanément à la danse ou au chant » sourit Jean-Paul Wenzel, qui renchérit : « Ces sept-là font du théâtre par nécessité, ils sont pour la plupart diplômés de hautes écoles mais ont choisi la scène. Elle leur est devenue indispensable. » Est-ce cette nécessité qui explose d'évidence devant nos yeux ? A vous de juger sur pièce.

O n le réduit souvent à un agitateur, Rodrigo García. On parle abondamment du côté spectaculaire, foisonnant, pour ne pas dire chaotique des spectacles qu'il assène comme autant de coups de poings. Mais ce n'est pas que ça, Rodrigo García ! C'est du texte, aussi et avant tout, du texte qui vous agrippe et vous hante, vous ravit et vous embarque : celui de Daisy vient de paraître à Besançon aux Solitaires Intempestifs, là où plusieurs de ses autres pièces sont déjà disponibles. La traductrice, Christilla Vasserot, décrit Daisy en ces mots pour le moins alléchants :
« Quel point commun peut-il bien y avoir entre une armée de cafards, deux danseurs de disco junkies, un couple adepte de la double morale, les habitants du canton de Fribourg, une loge maçonnique, Martina Navratilova, Emily Dickinson, Mozart, Bach, Catwoman, un clown en deuil, un sage (ou un fou) coiffé d'une casquette imitation Adidas, un palace saccagé par deux clients adeptes de la cuisine au camping-gaz, une maison vidée de ses rêves, un paysage réfractaire à toute forme de poésie ? » Pour le savoir, il va falloir attendre encore deux semaines. Ou se procurer le texte dès maintenant !

- Photos -
Première Loge :  droits réservés, Billet Signé :  © droits réservés, Fait Maison :  ©  Bia Mendez Pena,
Hors Scène :  © Christian Berthelot