Comment aimeriez-vous être accueilli dans un théâtre ? Cette question est au centre de la nouvelle saison de Saint-Gervais, le théâtre qui flirte joyeusement avec l’hôtellerie. Vous avez manqué l’ouverture ? Séance de rattrapage dans La Tribune de Genève et Le Temps. Deux choses à retenir dans l’immédiat. L'une : au 5ème étage de Saint-Gervais se trouve une pièce au design étonnamment rétro, la Chambre donc, qui sert jusqu'à Noël de décor à deux spectacles concoctés par Doris Ittig et Philippe Macasdar. Venez y découvrir les histoires folles de la maison et de ses illustres occupants, entre incroyable réalité et indiscutable fiction. L’autre : dans moins de deux semaines (1-5 novembre), Matthias Langhoff dévoile La Mission de Heiner Müller avec une troupe de comédiens boliviens exceptionnels. Pour reprendre La Tribune : « Au fond, l’accueil demeure, à l’hôtel comme au théâtre, ce décor d’une hospitalité aménagée dans les va-et-vient du monde ».

Découvrez la nouvelle saison de Saint-Gervais vue par La Tribune de Genève, Le Temps, leprogramme.ch, Scènes Magazine et Nouvelles.ch.

Jean-Paul Curnier, « influenceur » pour aujourd’hui

Vous connaissez les influenceurs ? Ce sont ces personnes, sur YouTube par exemple, qui donnent leur avis. Et que les gens suivent. Des faiseurs de tendances. Je me réjouissais d’en rencontrer un. Le printemps passé, alors que toute l’équipe préparait la saison actuelle – vous auriez vu la fourmilière… –, ses paroles ne nous quittaient pas. Certaines étaient même affichées aux murs. Je me réjouissais de le voir débarquer à Saint-Gervais, en visite ou pour une soirée au Camp de base. Ça n’arrivera pas. Vous l’ignorez peut-être, mais le philosophe et écrivain français Jean-Paul Curnier est mort cet été. Les rares journalistes qui en ont parlé, sur Mediapart ou dans Libération, donnent une bonne idée de l’importance de sa pensée. C’est lui qui a donné à Saint-Gervais l’envie de devenir un Camp de base. Dans un texte écrit pour la maison en 2013, Jean-Paul Curnier disait : « Il faudra sans doute envisager de baptiser autrement les Maisons (de la jeunesse, de la culture ou des deux) et les appeler Camps de base de la vie démocratique peut-être ou plus simplement Maisons du désaccord partagé. » Jean-Paul Curnier n’était peut-être pas sur YouTube. Mais c’était un influenceur. Notre influenceur.

Matthias Langhoff, atterrissage à Saint-Gervais via Santa Cruz

« Le metteur en scène, c’est comme un plombier il répare et il s’en va. » Cette phrase, c’est l’un des derniers mythes vivants du théâtre qui l’a prononcée (à Mediapart) pour parler de son dernier spectacle. Matthias Langhoff avait déjà monté La Mission, de son compatriote et ami Heiner Müller. C’était en 1989, à Avignon, pour le bicentenaire de la Révolution française. Et la pièce parle justement de cela : en Jamaïque dans les dernières années de la Révolution, trois émissaires parisiens doivent mener le soulèvement des esclaves contre les Britanniques. Mais leur mission devient caduque, car à Paris, Bonaparte vient de reprendre le pouvoir… La raison d’être de cette « reprise », presque trente ans plus tard, réside dans son contexte de création : Matthias Langhoff est allé monter cette pièce avec les jeunes comédiens boliviens de la troupe Amassunu, la même qui avait fait un tabac à Saint-Gervais il y a trois ans dans Les Égarés du Chaco de Jean-Paul Wenzel. « Ce spectacle, c’est le leur », assure Langhoff. « Un moment d’une poésie rare » s’exclame Théâtre du blog, qui a vu la pièce jouée à Aubervilliers. On a hâte qu’ils le partagent avec nous.

Lire les reportages de sceneweb.fr et de Mediapart sur la création de La Mission en Bolivie et l'interview de Philippe Macasdar dans leprogramme.ch.

La Chambre les a tous vu passer

C’est fou le nombre de choses qui peuvent se passer entre quatre murs. Comme tout établissement de renom, le Grand Hôtel Saint-Gervais dispose de sa chambre emblématique : « une Chambre à réserver petit-déjeuner compris, toute en bois plaqué, renfermant des lits escamotables, réminiscence de l’époque où le bâtiment fut construit » (Tribune de Genève). Une pièce qui a vu se succéder les hôtes les plus célèbres (on parle quand même de Dostoïevski, Lénine, Rousseau, Madame de Staël, Ella Maillart, George Sand…), chambre-spectatrice des intrigues les plus passionnantes à travers les époques et les modes. Muette, vraiment ? Récemment aménagée par le collectif Galta, la Chambre du 5ème étage parle ! En compagnie de Philippe Macasdar, directeur du théâtre, elle livre certains de ses secrets tous les mercredis et jeudis après-midi jusqu’à Noël, dans un spectacle qui promet de vous emmener très loin. Ne manquez pas non plus les trois dates spéciales auxquelles « la merveilleuse Doris Ittig » (Tribune de Genève) rejoue dans la Chambre le spectacle tendre et hilarant qu’elle a imaginé en octobre, pour la soirée d’ouverture.  En attendant de pouvoir y passer vous-même la nuit…

du côté des résidents de Saint-Gervais

Claude-Inga Barbey et Doris Ittig créent Agatha Christie, Christmas Pudding au 2.21 de Lausanne du 27 au 29 octobre puis à la Bibliothèque de Meyrin le 2 et le 9 novembre, Aurélien Patouillard joue dans Le Direktør d’Oscar Gómez Mata au TPR de La Chaux-de-Fonds du 2 au 5 novembre, Cédric Djedje est à l’affiche de deux spectacles au Poche/GVE jusqu’au 5 novembre et Ludovic Payet présente la première création de sa compagnie, Génome Odyssée, au Musée d’ethnographie de Genève jusqu’au 19 novembre.