La découverte d’Angélica Liddell en 2010 au Festival d’Avignon a été intimement et collectivement ressentie comme une déflagration esthétique et émotionnelle. Ébriété, scarifications, qu’on ne s’y trompe pas, la radicale modernité des performances d’Angélica Liddell puise aux origines les plus profondes du théâtre – celles d’un rituel que l’artiste espagnole peut pousser jusqu’au sacrifice, comme personne ne l’avait sans doute expérimenté au théâtre depuis Antonin Artaud. 


Ping Pang Qiu est le deuxième volet d’un triptyque chinois. Pour l’écrire, Angélica Liddell est partie à Shanghai à la rencontre du fantôme de la Chine après la révolution culturelle.

Il y est question de l’extinction d’un monde et des conséquences de cette disparition. Il y est question d’un mariage entre discipline, passion et excès. Il y est question du bruit de dizaines de balles de ping-pong tirées pour la patrie chinoise par des enfants de 5 à 10 ans scandant chaque coup d’un cri de guerre : Whoooah ! 


Ping Pang Qiu sera une question de vie ou de mort : Ping Pang Qiu – beau paradoxe pour un voyage dans un pays disparu – est un retour à la vie, et Angélica sourit…
 

« Mon premier objectif était de parler de mon amour pour la Chine, mais lʼexpérience vécue avant et pendant les répétitions mʼa conduite à parler de lʼextermination du monde de lʼexpression. Nous sommes partis de la « Ping-Pong Diplomacy » (un exemple dʼhypocrisie politique entre la Chine et les États-Unis dans les années soixante-dix, une façon de faire cohabiter la diplomatie et la barbarie de la Révolution culturelle chinoise) pour en arriver au totalitarisme dans le sport. En Chine, les autorités sportives ont imposé à leurs joueurs des codes de conduite très stricts, qui sʼappliquent même à leurs relations les plus intimes. Cʼest parce que jʼaime la Chine que jʼavais besoin de parler de tout ce qui anéantit la Chine. Ping Pang Qiu est finalement devenu un documentaire. Nous avons été confrontés à la violence dʼun régime autoritaire qui a étendu sa répression jusquʼà une salle de répétitions à Madrid, par le biais de fils invisibles et incompréhensibles. Le verbe sʼest fait chair. Cette pièce ne pouvait être quʼun documentaire. Qui est, à son tour, un acte dʼamour, transformé en rébellion. Un jour, avant de commencer les répétitions, Lola, qui joue dans la pièce, mʼa dit quʼelle était en train de lire Le Livre dʼun homme seul de Gao Xingjian. Je lʼai acheté et jʼai commencé à le lire à mon tour. Pendant les répétitions, nous avons lu à une personne chinoise ce livre interdit par le gouvernement de Pékin. Ping Pang Qiu, cʼest aussi les conséquences de cela. »

Angélica Liddell